Transmicible

C’est un dilemme constant pour les dirigeants d’entreprises ambitieux. A de rares exceptions près, pour se développer l’autofinancement n’est pas suffisant. Il faut alors mettre du carburant dans l’entreprise c’est-à-dire de l’argent pour recruter, se développer à l’étranger, acheter un concurrent, se diversifier…

En période de taux bas, emprunter paraît naturel. D’un autre côté, renforcer ses fonds propres inspire confiance aux partenaires financiers et aux fournisseurs. La théorie financière enseigne que la structure de financement est indifférente pour la rentabilité. En pratique nous savons qu’il n’en est rien ! Un tour de piste du sujet pour prendre la bonne décision.

Se poser la question du couple risques/coûts

On se focalise souvent sur ce que cela coûte, ce qui aboutit à des conclusions fausses comme : « la dette ce n’est pas cher » ou bien « le capital ne coûte rien ». Mais on n’a rien sans rien : posez-vous toujours la question du risque associé à chaque décision que vous prenez pour jauger quel est le meilleur compromis.

Emprunter est moins cher mais augmente le risque porté par l’entreprise qui doit rembourser, quelle que soit sa situation. Augmenter son capital ne pèse pas sur la structure financière, mais induit un risque de dilution du capital, voire de perte de contrôle.

La dette moins chère que le capital

Disons-le clairement : la dette est structurellement moins chère que le capital pour deux raisons principales :

1.     Les intérêts de la dette sont déductibles (et non les dividendes versés aux actionnaires). La dette coûte donc les intérêts moins l’économie d’impôts réalisée.

2.     La rémunération de la dette n’est pas strictement proportionnelle à l’augmentation du risque pris par la société, car il existe de multiples façons pour les prêteurs de prendre des garanties : crédit-bail, hypothèque…

Cependant, la dette entraîne une augmentation du risque de l’entreprise. En effet une dette doit être remboursée, sauf à s’exposer à quelques menus inconvénients qui sortent du cadre de cette chronique. Le capital n’est lui pas remboursable et peut être perdu en cas de difficultés.

D’autre part la dette crée un « effet de levier » : si tout va bien et que les investissements financés par la dette ont produit de la valeur, alors l’actionnaire augmente son patrimoine et/ou ses dividendes. Mais si des événements externes (crise monétaire, tensions politiques…) ou internes (départ d’une personne-clé, mauvaise gestion d’un projet…) mettent l’entreprise en difficulté, l’obligation de rembourser la dette met l’entreprise en danger.

C’est cet effet de levier qui est utilisé dans les montages LBO et permet des transmissions à condition de rester raisonnable dans l’utilisation des capacités financières de l’entreprise. C’est aussi ce même effet qui a amené des dirigeants à perdre le contrôle de leur entreprise au profit des banquiers prêteurs.

Le capital renforce la solidité de l’entreprise

Augmenter son capital augmente évidemment les fonds propres, les ratios financiers s’améliorent, ce qui est vu très positivement par les banquiers et par certains fournisseurs importants, tous surveillant de près leur risque. Des fonds propres élevés permettent aussi d’emprunter plus facilement et pour des montants plus élevés.

Mais faire entrer dans son capital un tiers, qu’il soit personne physique, Business Angel ou fonds d’investissement, est une décision lourde. Le capital ne se rembourse pas et l’actionnaire est là pour longtemps. Il faudra compter avec lui, bien souvent l’intégrer dans son conseil d’administration, parfois modifier ses habitudes de reporting à sa demande. Tout ceci peut être salutaire pour sortir des habitudes et mettre les dirigeants sous pression, mais peut aussi se révéler pesant si on n’a pas bien choisi son partenaire. Sans compter la négociation dès l’entrée sur la valeur de l’entreprise, qui fixera le vrai coût du capital. Le nouvel actionnaire calculera lui aussi son couple risque/rentabilité pour fixer la part de capital qu’il veut en échange du risque qu’il prend à investir.

Comment choisir ?

En cette période de taux plus élevés, il est encore quasi certain que l’endettement sera fait à un taux inférieur au coût du capital, ce qui est bénéfique car l’augmentation de la rentabilité qui en résulte paiera l’augmentation du risque !

Nous avons cependant rencontré plusieurs cas d’entreprises qui ont voulu profiter de l’aubaine et emprunter sans réels projets à financer. La rentabilité n’a pas été au rendez-vous et elles n’ont fait que détériorer leur équilibre financier et tirer sur leur crédit auprès de leur banquier. N’empruntez que lorsqu’il y a un vrai projet, dont le retour sur investissement est satisfaisant.

Pour choisir, il est important de considérer tous les critères de décision :

3.     Les facteurs financiers bien sûr, en respectant l’équilibre du coût et des risques,

4.     Les facteurs psychologiques : quel sera l’impact auprès de vos partenaires ? Comment vivrez-vous un endettement élevé ou une dilution du capital ? L’actionnaire va-t-il vous accompagner ou rester « dormant » ?

5.     Les facteurs juridiques : quelles sont les contreparties à donner ? Si le projet tourne mal, quelles en sont les conséquences ?

Panacher est souvent une bonne idée : emprunter permet d’obtenir de l’argent peu cher ; augmenter en même temps son capital permet de retourner voir son banquier si le développement se poursuit…